Correspondance avec le Premier ministre Couillard : 4e lettre
LETTRE D’OPINION
8 décembre 2015
M. le Premier ministre Couillard
La carotte ou le bâton ?
Non, l’accompagnement et la confiance
Par Rémi Fraser, coordonnateur, Regroupement des Auberges du cœur du Québec, et Johanne Cooper, présidente du Regroupement des Auberges du cœur du Québec et directrice de la Maison Tangente qui accueille des jeunes âgés entre 18 et 25 ans
Monsieur le Premier ministre,
Très bientôt, vous dévoilerez la nouvelle politique québécoise de la jeunesse. Déjà, votre gouvernement a annoncé des mesures pour les premiers demandeurs à l’aide sociale qui sont à 60 % des jeunes.
Depuis plus de trente ans, nous voyons des programmes pour l’emploi défiler qui, à chaque fois, passent à côté de la situation de ces jeunes qui ont des trajectoires de vie difficiles ou même souffrantes. À certains moments, on y a retrouvé plus de «carotte » et à d’autres, plus de « bâton ». Vous avez choisi le bâton. Pour ces jeunes, le résultat demeurera inchangé sauf un surplus de souffrance. Il est étrange ce Québec qui s’afflige devant les enfants maltraités, abusés ou laissés à eux-mêmes et qui, lorsqu’il les retrouve 10 ou 15 ans plus tard tout « maganés » par une vie qui a poussé tout croche, les rejette parce qu’ils n’ont pas été capables de prendre leur place dans la normalité. Le « bâton » que vous avez ajouté à vos dernières mesures pour l’emploi ne fera que s’ajouter à ce rejet qu’ils vivent au quotidien.
Où est l’erreur? Vous définissez ces programmes en fonction de résultats attendus plutôt que des personnes à qui ils s’adressent. Ceux qui sont les moins en difficulté s'en sortent alors le mieux. Quant aux autres, on leur fait vivre de nouveaux échecs et, en surplus, on les punit. Alors qu’on devrait renforcer leur confiance en eux.
Pour soutenir et accompagner ces jeunes, il ne s’agit pas de viser un résultat, mais les amener à s’engager pour l’atteinte d’un résultat. L’engagement auprès d’eux et l’accompagnement feront toute la différence pour qu’ils réalisent tout leur potentiel. Les résultats que vous recherchez sont ceux qu’ils souhaitent atteindre: devenir autonomes, avoir une meilleure formation, un bon travail, créer une famille et participer à la vie de leur communauté.
Il faudrait plus de cet ingrédient qui manque: le lien de confiance et l’engagement de personne à personne qui s’inscrivent dans la durée. Les jeunes n’accepteront pas d’être un numéro ou un dossier, ils veulent du pouvoir sur la définition du résultat et le chemin pour y parvenir. Ce chemin, il pourra être long tant ils ont de choses à raccommoder. Certains trébucheront et il faudra être là, à chaque fois, pour transformer ce qui aurait pu être un autre échec en épreuve qui rend plus fort. C’est ce que nous faisons.
Vous comprendrez qu’un tel engagement ne peut être défini et offert par un ensemble de programmes, de mesures ou de procédures définies dans les officines gouvernementales. Il doit s’inscrire dans l’accompagnement qu’on offre à ces jeunes dans le développement de leurs forces. Alors, monsieur le Premier ministre, dans votre Politique jeunesse, y-aura-t-il un place pour ce «quelque chose de plus» qui fera une différence pour celles et ceux qui en ont le plus besoin?
Pour info :
Isabelle Gendreau
Cel. 438-390-3985438-390-3985
isabelle.gendreau@aubergesducoeur.org
Twitter : @aubergesducoeur
Facebook : facebook.com/RegroupementdesAubergesduCoeur
Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec représente 28 maisons d’hébergement communautaires pour jeunes en difficulté et sans abri ou à risque de le devenir réparties dans dix régions du Québec. Les Auberges du cœur hébergent et soutiennent chaque année 3000 jeunes âgés entre 12 et 30 ans et doivent en refuser autant, généralement faute de places. Ces chiffres ne reflètent qu’une partie des besoins des jeunes itinérants ou à risque de le devenir pour le type d’hébergement et de soutien que nous offrons considérant les territoires où de telles ressources sont inexistantes. Au total, les Auberges du cœur offrent plus de 300 lits en maison d’hébergement et, plus de 150 autres places en appartements supervisés ou logements sociaux.
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