Lettre : M. le Premier ministre Couillard, engagez-vous pour les jeunes

LETTRE D’OPINION
19 mars 2015
 

 

M. le Premier ministre

Engagez-vous pour les jeunes

Par Rémi Fraser, coordonnateur, Regroupement des Auberges du cœur du Québec,  et Johanne Cooper, présidente du Regroupement des Auberges du cœur du Québec et directrice de la Maison Tangente qui accueille des jeunes âgés entre 18 et 25 ans

Monsieur le Premier ministre,

Nous souhaitons vous faire mieux connaître la situation de ces jeunes qu’on qualifie de jeunes en difficulté. À l’origine de cette situation, on trouve plusieurs causes: familles dysfonctionnelles, violence et abus, pauvreté, toxicomanie, décrochage scolaire ou social, passage en Centres jeunesse, etc. Toutes ces causes produisent un même effet : l’incapacité à faire sa place dans un monde de plus en plus compétitif qui tend à marginaliser celles et ceux qui n’ont pu se maintenir dans le tracé normalisé vers la réussite… Ce sont des drames personnels, mais aussi un drame national pour un Québec qui a besoin de toutes ses forces et sa créativité pour surmonter les défis du vieillissement de sa population, de la mondialisation et d’une culture du savoir.

Au-delà des manchettes qui font l’actualité : suicide chez les jeunes, intimidation, etc. auxquelles les gouvernements répondent à la pièce, possédez-vous une vision plus globale de la situation?

Nous n’avons plus vraiment confiance dans la volonté ou la capacité de l’État à soutenir ces jeunes et à les aider à s’en sortir. Nous avons trop vu de ces mesures pour les jeunes qui font merveille en théorie, mais qui ne répondent pas à la réalité et n’ont pas d’impacts significatifs.  Déjà, vous avez raté le premier test avec un plan d’action en itinérance qui ne leur offre aucun soutien approprié. Pourtant les études démontrent que ces jeunes ont besoin de mesures et d’accompagnement différents des personnes en situation d’itinérance plus âgés.

Vous leur demandez, malgré le retard pris et les blessures accumulées, de rattraper les autres dans des temps irréalistes et sans un accompagnement adéquat.   Il est urgent d’abandonner la vision technocratique qui divise les individus en problématiques et d’aborder les situations en prenant en compte les projets et le potentiel des jeunes.

Peut-on se surprendre dans ce contexte qu’ils se retrouvent toujours plus nombreux à porter leur souffrance devant un médecin qui ne peut leur offrir que des pilules? Depuis des années, nous les voyons débarquer chez nous avec leurs sacs remplis de psychotropes. Vous êtes médecin, vous en connaissez les limites et savez ce que cela signifie comme effets secondaires : démotivation, engourdissement de la douleur mais aussi de la capacité à se projeter, à se mettre en action…  À se contenter de soulager leur mal-être, c’est leur être et leur devenir qu’on engourdit dans la désespérance.

Nous n’en pouvons plus des gouvernements qui systématiquement ignorent ces jeunes et tournent le dos à ceux qui, au quotidien, tentent de les accompagner vers une vie qui ressemblerait à leurs rêves. Ces rêves  sont tout simples et sont partagés par la grande majorité : un travail, une blonde ou un chum, des enfants, un appartement...  Ils ne demandent pas à l’État de réaliser ces rêves pour eux, mais d’établir des conditions raisonnables pour qu’ils puissent les atteindre.

À ce moment-ci, qu’importent les plans de redressement économique que vous pourrez établir, ils demeureront inaccessibles pour eux. Bien plus qu’un Plan Nord, c’est d’un immense Chantier jeunesse dont le Québec a besoin. Les sociétés qui réussissent sont celles où la génération montante – toute la génération montante - est capable et prête à prendre la relève avec énergie, créativité et foi en l’avenir. Le Québec ne mérite pas moins et chaque jeune doit pouvoir compter sur vous – et sur nous tous – pour y arriver.

Monsieur le Premier ministre, vous êtes responsable du dossier jeunesse de votre gouvernement. Plus et mieux que quiconque, vous êtes en mesure d’initier cette mobilisation collective nécessaire pour que chaque jeune Québécois puisse prendre sa place à la hauteur de ses rêves et de son potentiel.

Pour info :

Isabelle Gendreau, Coordonnatrice aux communications
Regroupement des Auberges du cœur du Québec

Cel. 438-390-3985
isabelle.gendreau@aubergesducoeur.org

racq.aegir.koumbit.net

Twitter : @aubergesducoeur

Facebook : facebook.com/RegroupementdesAubergesduCoeur

Le Regroupement des Auberges du cœur du Québec représente 28 maisons d’hébergement communautaires pour jeunes en difficulté et sans abri ou à risque de le devenir réparties dans dix régions du Québec. Les Auberges du cœur travaillent chaque année avec 3000 jeunes âgés entre 12 et 30 ans et doivent en refuser autant, généralement faute de places.  Ces chiffres ne reflètent qu’une partie des besoins des jeunes itinérants ou à risque de le devenir pour le type d’hébergement et de soutien que nous offrons considérant les territoires où de telles ressources sont inexistantes. Au total, l’ensemble des Auberges du cœur offre plus de 300 places en maison d’hébergement et, plus de 150 autres places en appartements supervisés ou logements sociaux.  

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